Voulez vous coucher avec moi? [Terminé]

Janvier, première journée scolaire de l’année, et sans doute première matinée de cours dans un environnement scolaire, que Michael avait depuis bien longtemps. Inutile de dire que le jeune homme, arrivé la veille à Harper, n’était pas des plus motivés. Deux jours tous juste qu’il était en Angleterre : sa mère avait prit toutes les dispositions administratives pour qu’il n’ai qu’à se présenter devant le principal. Une chambre, un lit, et surtout un uniforme. Mike n’arrivait même pas à croire qu’il devait enfiler un uniforme. Le jeune homme n’avait décidément aucune envie de se réveiller, d’autant plus qu’il était sept heures du matin, à savoir l’heure à laquelle il se couchait habituellement, et qu’il n’avait de ce fait, pas dormi de la nuit, victime à la fois du décalage horaire et de ses habitudes de gamin gâté, qui n’avait pas d’autres buts dans la vie que de chanter et de s’éclater avec ses potes.
Niveau potes, il pouvait crever, visiblement : Rien qu’au dîner de la veille, il avait eu l’impression d’être comme un cheveu dans la soupe, tant les regards qu’on lui portaient étaient tantôt curieux, tantôt antipathiques. Les mains crispées sur son plateau, et les yeux cherchant désespérément un coin tranquille ou s’installer, il avait enfin fini par trouver une table libre, ou il avait mangé ses légumes en regardant le plafond et en se demandant si l’enfer, c’était long.

Le réveil de son camarade de chambre venait tout juste de sonner, et Mike, qui avait passé la nuit les yeux grands ouverts à regarder l’ombre d’un arbre danser devant la fenêtre de sa chambre, avait plongé la tête sous son oreiller en maudissant Harper et ses horaires de tarés : La dernière fois qu’il s’était levé si tôt, il devait avoir dix ans.

_Je veux mourir

Spéciale dédicace à lui-même. Non, il n’était pas particulièrement narcissique (aussi peu qu’une rock star puisse l’être, du moins), mais c’était la piste douze de son dernier album, Iwannadie. En attendant, dix minutes plus tard : toujours pas levé, toujours pas douché, et à présent seul dans sa chambre, il songeait à sécher cette première journée, parce qu’il était pas à sa près.

De toutes manières, ces petits bourges ont leurs habitudes, faut pas les déranger.

Mais c’était sans compter sur le surveillant des dortoirs des mecs, qui, passant par hasard la tête à travers la chambre, attrapa le pichet d’eau, et le lui balança sur la tête.

Bordel, le privé, ça craint.

Une demi-heure plus tard, vêtu de l’uniforme qui étrangement ne lui allait pas comme les autres, il pénétra dans sa nouvelle classe : cours de français.

_Vous devez sans doute être notre petit génie musical? Nous allions justement commencer à travailler *
lâcha une vieille peau, en version originale (suivie d‘une astérisque*). Inutile de dire que le français, c’était pas son truc, il ne savait dire que les trucs de base : « Je vous aime », « voulez vous coucher avec moi », « Allons à la pêche aux grenouilles »… C’était pas parce qu’on donnait des concerts partout dans le monde qu’on était obligé d’être polyglotte.

_Bonjour, Madame Martin, vous êtes bien jolie ce matin*

Marmonna-t-il sous les éclats de rire général, sans vraiment piger pourquoi, ce qui lui attira une répartie cinglante de la part de la prof, qu'il n'entendit heureusement pas. Plus discret pour un premier jour, tu meurs. S’avachissant sur une table au fond de la classe, il espéra ne plus rien avoir à dire, mais ce fut alors que les mots fatals furent prononcés.

_Très bien, mettez vous par deux : nous allons travailler la conversation.

Une nuit, la nuit, les ombres et les moutons sautant par-dessus les barrières : L'image typique d'une insomnie traversait le regard de la brunette tout juste debout. Où étaient ses camarades de chambrée ? Mystère et boule de gomme, peut-être n'avaient-elles tout simplement pas supporté le fait de devoir une fois de plus entendre le réveil miauler à n'importe quelle heure juste parce que Kaede aimait paresser sous sa douche. L'effet presque langoureux d'une caresse chaude sur son corps dès le matin... Pas comme certaines que l'eurasienne soupçonnait fortement de ne s'arroser qu'avec de l'eau gelée dans le seul but d'avoir l'air encore plus pincée dès le matin. Sa langue se mit à tapoter un petit air contre son palais, juste pour le plaisir, alors qu'elle sortait de la salle de bain, soigneusement enveloppée dans une serviette encore tiède. Pousser un soupir ? Aucun intérêt, il n'y avait personne à énerver, entre Abigail qui semblait vouloir échapper à tous le monde pour le moment et Coralee qui faisait Dieu sait quoi avec Dieu sait qui. Chaton et tigresse en quelque sorte tandis que Kaede se situait à la limite délicieuse du grand lapin malin - Juste pour la résonance du nom, notez.

Sur ce, la jeune fille se dépêcha d'enfiler l'uniforme de l'école - Deux boutons ouverts pour la chemise, une cravate à moitié défaite, des mi-bas blancs pour souligner le galbe de ses jambes - avant de saisir son classeur et de sortir de la chambre, oubliant au passage de refermer la porte correctement, sale habitude qu'on ne manquerait pas de lui faire remarquer dans peu de temps sans aucun doute. Un petit regard sur la montre jaune au montant décoré de fleur et la journée commençait par un charmant sourire parqué au milieu du visage lisse de la jeune fille en route pour son cours de Français. Ah, le premier jour de classe de l'année après les fêtes les plus nulles de toute sa vie ! La brunette respira profondément l'air ambiant, mélangeant pourtant une odeur de maquillage et de parfum venant des dortoirs des filles, et secoua la tête de gauche à droite. Que n'aurait-elle pas donné pour de la bonne musique où encore quelques pages d'un livre. Voir les deux, à tout bien réfléchir, plutôt que d'aller admirer le visage ridé et infiniment acaciatre de la vieille Martin; De toute façon, même si son français n'était pas encore parfait, Kaede pouvait-elle réellement parler d'un besoin de leçons dans cette langue ?

Ce fut donc une eurasienne au regard totalement perdu dans des nuages situés loin au-dessus du plafond qui pénétra dans la classe de cours, suivant sagement le troupeau de mouton mit en place par Madame Martin; Même la voix grinçante de cette dernière n'arrivait pas à atteindre la jeune fille, c'était pour dire. Elle prit place à la première rangée, appuya son menton dans la paume de sa main, et... Plana. Oh, bien sûr, elle n'avait pas vraiment besoin d'une quelconque substance pour planer, mais le résultat restait suffisamment proche pour que la première minute du cours soit donc destinée à frapper sur la table de la jeune fille pour qu'elle daigne lever les yeux vers son professeur :

- Mlle Aoki. Encore une envie d'aller voler ailleurs ? *

Kaede clignait déjà des yeux, désorientée par la vue du crapeau qui lui faisait fasse, cherchant durant un court instant la raison pour laquelle elle se trouvait ici. Et baissant ses yeux de biche effarouchée, la réponse lui apparut clairement : Pas un seul cahier de sortit, pas de stylo, pas de crayon, rien.

- Ah, Madame Martin ! J'ai faillis oublier que...

Le regard dédaigneux de la peau de vache fit taire un court instant la jeune pipelette avant qu'elle ne reprenne son courage à deux mains, se penchant pour sortir une feuille remplie d'une écriture gracieuse malgré son côté hésitant. La voix aérienne reprit, dans un français approximatif bourré d'un accent mélodieux;

- ... J'avais découvert ce texte dans l'un des livres de la librairie et je me demandais si vous pouviez m'expliquer clairement les phrases qui le constituait... ? *

Et dans un instant de calme et de poésie propre à dégoûter tout le reste de la classe, la pie s'était saisit du papier et le parcourait d'un air quasiment amoureux, laissant le temps à Kaede d'esquisser un petit sourire malicieux avant de retrouver son air sérieux. La tornade était passée même si il y avait des chances de finir la classe un peu plus tard que les autres élèves mais c'était bien suffisant pour la brunette.

- Nous verrons cela plus tard. Rangez ça et sortez vos cahiers maintenant ! Vous aurez le droit d'utiliser le vocabulaire, situé à la page 21; Maintenant, nous allons...

Schrouiiiiiic. Décidément, il était temps qu'on huile un peu les gonds de la porte de classe. L'avis semblait d'ailleurs partagé par Martin, s'étant retournée en silence vers le nouvel arrivant, sourcils froncés et bouche encore entrouverte sur le prochain mot qu'elle voulait prononcer. Quel manque de chance que le blondinet - Seule partie du corps de l'arrivant que Kaede pouvait voir, se trouvant à l'extrème gauche de la salle tandis que la porte en était à la droite - soit arrivé à peine quelques minutes après le début du cours... Puisque c'était souvent à cet étrange moment, orageux et plein de noirceur pour un professeur se levant de mauvaise grâce pour de sale gosse qui n'écoutaient pas, que les gens avaient tendance à le prendre le plus mal. Pas le temps de relativiser, en quelque sorte.

- Vous devez sans doute être notre petit génie musical ? Nous allions justement commencer à travailler. *

Inutile de dire que si tout le monde se retenait déjà de rire, aucun n'aurait désiré se trouver à la place actuelle du blond. Et tout aussi inutile de préciser que la réponse de ce dernier... Retira très clairement les lambeaux de conscience qui avaient jusque là retenus presque la totalité de la classe de laisser libre court à son hilarité. Bruit ambiant qui cassa d'ailleurs tout l'art de la répartie du professeur furieux et rouge de colère, mais l'intérêt de Kaede n'y était déjà plus tant ses yeux ronds comme des billes étaient à présent fixés sur le nouvel arrivant : Michael Hareton. LE Michael Hareton, nom clignotant en rouge vif derrière le regard scintillant de la jeune fille, du mythique - Pour elle - groupe « I Noes nuffing ». Oh non, crier était tout à fait inutile : Les feux de la passion, à présent très nettement allumés dans le regard de la jeune fille, étaient milles fois plus parlant que quoique ce soit d'autre.

- Très bien, mettez vous par deux : Nous allons travailler la conversation.

Ni une ni deux : Navrée mes mignons, Kaede avait déjà trouvé sa proie. En moins de temps qu'il en faut pour le dire, la gracieuse petite demoiselle se tenait debout à côté de la table de l'inconnu qui ne l'était pas, ses mains sagement croisées derrière son dos, mordillant nerveusement sa lèvre inférieure.

- Salut ! Euh... Hum. Ça ne te dérange pas de faire l'exercice avec moi ? Parce que, tu vois, tous les autres ont déjà des groupes bien définis en général, alors...

Si le fait que Kaede aimait parler restait toujours aussi flagrant que d'habitude, une personne attentive aurait pourtant vite remarqué l'hésitation perçant dans sa voix et le débit un peu plus lent de ses paroles; D'ailleurs, chose étonnante, elle n'avait pas encore piqué la chaise de la table voisine laissée libre pour s'asseoir. Elle esquissa un petit sourire délicat sur ses lèvres rosées, penchant la tête de côté avec un air curieux de petit animal, attendant sa réponse.

Travail de groupe. Il avait bien entendu? Il avait bien compris? Il espérait que non : Après tout, ils étaient en français, il n’était pas sensé tout comprendre.
Sauf que la vieille s’était exprimé en anglais des plus compréhensible, même si, elle avait cela en commun d’avec tous les français, à savoir un accent à couper au couteau.
A en entendre les bruits de chaise qui grinçaient tout autour de lui, tout ceci n’était pas une hallucination : un travail de groupe pour la première heure du premier jour de classe, si ça s’était pas un cadeau? Manquait plus qu’à espérer qu’il aurait à passer au tableau pour résoudre une équation dans le cours d’après, et il serait comblé.
Trop pas.


Il enfoui sa tête dans ses mains, dont les bagues étaient on ne pouvait plus visibles : il n’avait pas jugé utile de les enlever, après tout, ça faisait partie de sa personnalité. Il ne savait pas quoi penser, et faisait ce qu’il faisait toujours dans ces cas là : peser le pour et le contre.
Pour : Il fallait espérer que les élèves soient en nombre pair et qu’il n’ai à parler à personne. Les regards en coin, merci, il avait donné.
Contre : il fallait espérer que les élèves soient en nombre impair et qu’il ai quelqu’un avec qui bosser : il n’avait pas franchement envie de se retrouver en tête à tête avec la vieille Martin. Surtout qu’elle avait l’air de lui envoyer ses ondes négatives d’ici, visiblement, elle était pas trop fan des nouveaux venus.


Les brouhaha de la classe lui montaient à la tête, et il préférait ne pas regarder les élèves, de peur de se faire totalement griller. Finir assommé par un bouquin de français n’était pas son but du moment, et quand bien même, il manquerait plus qu’il se tape l’affiche encore plus que maintenant devant cette salle. Il se contenterai d’attendre, après tout, la vieille avait dû lire son dossier, non? Il avait jusque ici prit des cours par correspondance. Nouer des liens avec des gens de son age, il avait perdu l’habitude, et de toutes manières il s’en fichait. D’ailleurs…

_Salut!

Tiens, c’était à lui qu’on parlait, là? La voix paraissait bien proche. Genre, possibilité que ce soit à lui. Mike, tu vas devoir sortir de ta coquille.
Il lève les yeux : une fille le regarde avec un air craquant. Il lève un sourcil, se retenant limite de se retourner pour voir si on ne s’adresse pas à lui, derrière.
Michael? Modeste? Ben quoi, il a eu l’impression de passer pour un fantôme, depuis hier, alors, c’est limite si il a pas prit l’habitude que ses têtes de morts soient ses seuls amis.

Après quelques secondes, un léger sourire apparaît sur les lèvres :

_Ouais, c’est cool, prend une chaise!

Il la regarde prendre place en face de lui et sans la quitter des yeux, au cas ou elle n’aurait été qu’un effet de son imagination qui s’estomperait peu à peu (auquel cas les autres mecs de la classe doivent le trouver encore plus flippant de parler tout seul), il demande :

_ Tu t’appelles comment? Moi c’est Mike

Pas une seconde, il ne pense qu’elle a des chances de le connaître. Pour lui, le monde se limite à New York, LA, Miami, et les capitales européennes. Le reste, c’est la campagne, et à la campagne, ils ont pas la radio, c’est bien connu.
Il sourit encore, fait tourner entre ses doigts le crayon à papier qu’il a reçu du type qui a rempli son dossier la veille, et se dit que si cette fille est une allu, alors il est assez doué pour l’avoir imaginée avec l’uniforme du bahut. C’est cool.

Sans attendre quoique ce soit de plus que l'acceptation soudaine du jeune homme, Kaede avait prit dans un geste un peu maladroit la chaise de derrière pour la placer en face de la place qu'il occupait : Une lueur amoureuse brillant dans le regard innocent de la brunette, on pouvait déjà considérer que l'affaire était dans le sac. Tout du moins lorsqu'il s'agissait de ne pas passer pour un fantôme, cela va de soi... Mais n'allons pas trop vite, les pensées de la jeune fille n'étaient pas encore clairement dirigées vers le fait de sauter dans les bras de sa pseudo idole. Pour le moment, en tout cas.

- Mike ? Tu as peur d'être comparé à l'archange du feu pour raccourcir ton prénom ? Pourtant, il est sympa... Enfin, ce n'est que mon avis, tu sais, pour ce que ça vaut : Je veux dire, plein de personnes ont déjà dût te dire ce genre de chose, non ?

Mhh ? La tirade était lancée, oui, mais vous auriez déjà dût vous en douter depuis un moment. Une fille comme Kaede, du genre à sourire même lorsque tout va mal, n'était décemment pas capable de tenir sa langue plus de cinq minutes, même en cours. D'ailleurs, mieux valait éviter de regarder de l'autre côté de la classe pour le moment, principalement pour éviter le regard meurtrier que Madame Martin lançait déjà aux deux camarades. Si elle allait venir ? Derrière le sourire angélique de la petite eurasienne, on pouvait aisément deviner qu'elle n'en avait pas grand chose à faire de ce que pouvait penser une prof qui, de plus, n'avait pas grand chose à lui apprendre. Après tout, la jeune fille n'aurait eut aucun problème à partir dans le pays dans lequel elle était née pour faire un brin de causette avec le premier français venu; C'était dans les gênes, même si aucun élève ne pouvait se vanter d'être parfait dans un cours. Oh oui, la douce règle des professeurs stipulant qu'un 100% était interdit à donner vivait encore dans certains cœurs froids, donc celui de la vieille pie.

Mais revenons à Kaede et Michael, dit Mike, et à l'air passablement désolé que la demoiselle venait soudain de prendre face à lui : Oups, des mots de trop avec une très légère pique qui pouvait se révéler agaçante à défaut de méchante.

- Ah, pardon; Ne fais pas attention à ce que je peux raconter ! Sinon, je m'appelle Kaede.

Ravie de faire ta connaissance ? Trop basique, d'autant qu'elle avait passé un certain temps à s'extasier sur sa voix, sur ses photos ainsi que sur ses interviews. Non pas qu'elle le connaissait, un fan ne pouvant en aucun cas être sérieux en disant ça, mais après tout elle savait déjà son prénom avant même qu'il le dise, comme son nom, son âge, le fait qu'il soit célibataire ou non, si il portait un slip ou un caleçon... Stop ! En fait, elle ignorait parfaitement ce dernier détail, ce qui fit étrangement scintiller son regard. Allait-elle se révéler encore pire qu'une groupe totalement hystérique ? Mieux valait ne pas chercher trop loin dans cette direction de peur de s'enfoncer dans les méandres d'un caractère plus compliqué qu'il ne pouvait y paraître au début. Portant une main à ses cheveux pour replacer gracieusement une mèche derrière son oreille, Kaede esquissa un petit sourire toujours aussi timide, baissant la voix pour ne tout de même pas trop embêter la prof qui ne serait probablement en rien magnanime envers eux;

- Dis-moi... Qu'est-ce que tu fais ici ? Harper, c'est un peu perdu, d'autant qu'Holyhead est une petite ville, donc j'ai du mal à comprendre pourquoi ici plutôt quand dans, je sais pas, New York ? Ou encore Los Angeles - Si je me rappelle bien, c'est là qu'habite ta mère, non ? Enfin, ton agent... Dis, d'ailleurs, je dois l'appeler comment ?

Les yeux écarquillés d'un intérêt qui s'était voulu pourtant plus discret, la jeune fille pencha à nouveau la tête de côté en fermant à moitié les yeux, concentrée qu'elle était sur Michael. C'était une idée ou, foncièrement, sa voix allait drôlement bien avec son visage - Vous savez, du genre... Un regard clair, un air doux, et pourtant créant une sorte de magnétisme incroyable ? A quelques détails près, dont celui de la politesse et du maintient, Kaede aurait put A) Baver B) Hurler sa joie C) L'embrasser. Des réactions tout à fait normales pour une personne complètement folle, ce dont se rapprochait dangereusement la demoiselle de temps à autre, lors de courts instants d'égarement. Mais non. Il était un peu plus intéressant de rester elle-même, le tout avec une curiosité un peu plus développée encore qu'à son habitude; Il n'était pas vraiment question de le faire fuir dès maintenant. Au passage, Martin ne venait-elle pas juste de bouger de sa place, tel le vautour ayant aperçut quelques cadavres à son goût ? Oh oh...

La main de Michael jouait toujours avec son crayon. Il était marrant, il avait plein de couleurs, genre des strass et tout. Son pote Archie aurait été trop en trip dessus si il l’avait vu, il adorait tout ce qui brillait, c’était dément une telle obsession.
C’était le psy de la scolarité qui l’avait laissé le prendre la veille, ce que le jeune homme avait trouvé super, parce qu’il s’attendait plutôt à un accueil froid, et tout, étant donné la manière dont l’avait saluée la secrétaire de Harper, d’une manière si glaciale qu’il s’était senti limite coupable d’exister.
Là, il était plutôt content d’avoir quelqu’un avec qui passer sa première heure de cours, puisque cette fille avait l’air plutôt sympa, et qu’il avait moins l’air de passer pour le pestiféré de base sous prétexte qu’il avait les cheveux un peu trop long, et un nombre plutôt conséquent de bijoux, pour un mec. Ah, et aussi parce qu’il était une star, mais ce point n’était pas vraiment vérifié à Harper, il préférait à la limite passer pour le type bizarre. Mais la petite brune, en reprenant la parole, lui montra qu’il avait tord, enfin, le fit douter. Peut-être que ce bahut n’était pas si paumé que ça, ou quoi que ce soit. De toutes manières, ça n’avait aucune importance, elle avait pu tout autant se douter que Michael était le nom complet de Mike.
Il eut un petit rire en entendant sa remarque. Il n’avait pas grand-chose qu’un archange de toutes manières, il aurait plutôt tout l’air d’un petit démon d‘après ce qu‘il avait entendu… ça le dérangeait pas, c’était marrant.

_Ouais, ils sont pas nombreux qui m’appellent Michael… mais c’est un nom plutôt commun, tu crois pas?

Il doutait qu’elle ne suspecte sa véritable identité, mais après tout, quelle importance ça avait? Peut-être que, au final, il n’avait pas envie de qu’on l’approche uniquement pour sa popularité. Mais après tout, il en avait l’habitude, il n‘allait pas rester comme un ermite pendant toute la moitié de l‘année.

_Les gens disent toujours des conneries de toutes façons, on s’en fiche de prénom, et Kaede, c’est joli, c’est japonais? C’est mixte, nan? J’ai connu un type qui s’appelait pareil, mais il plutôt teigneux dans le genre, il arrêtait pas de vouloir me taper dessus. Faut dire que j’étais un merdeux…

Ah ouais, vu la manière dont elle poursuit, il n’a plus vraiment de doute… Un nouveau sourire apparu sur son visage, qui montrait qu’il n’avait pas l’air de lui en vouloir particulièrement.

_Je crois pas que t’aies à appeler ma mère de toutes façons, elle doit être carrément trop occupée pour discuter avec une fille de ma classe, mais si l’occasion se pointait, genre au cas ou elle aurait l’envie de s’incruster dans un bled paumé d’Angleterre pour voir son marmot, tu pourras toujours l’appeler Trish’. Et toi…

Il leva les yeux au moment ou Madame Martin quittait son bureau et venait directement vers eux avec l’air de celle qui a quelque chose à reprocher à d’autres personnes.

_Est-ce que tu aimes le cuisine italienne?*

Poursuivit-il en français, au moment même ou la prof arrivait à leur table.

_Vous vous moquez du monde, tous les deux? Vous croyez que je n’entend pas vos petits bavardages insipides, qui de plus, ne sont pas dans ma langue? Mademoiselle Kaede, vous pouvez dire à votre nouveau camarade ce qui arrive à ceux qui ne respectent pas les règles de Harper?

Le regard de Michael passa respectivement de la prof à Kaede, sentant sur leur petit groupe une certaine attention venant du reste de la classe.

_Madame, tu aimes le cuisine italienne?*

Demanda-t-il à la prof à l’air plus furibond que jamais, d’un air innocent au possible. Son visage n’avait aucune lueur d’amusement, et on aurait presque pu penser qu’il était sérieux.

Mais non, ça n’était pas de la provocation… Même si à cette seconde, la vieille femme avait le visage devenu pivoine et que ses poings s’étaient serrés comme sous le coup d’une vive émotion.

A première vue, n'importe qui aurait put penser que Kaede avait déjà offert son plus beau et rayonnant sourire au blond assis en face d'elle : Et bien, ces quelques personnes constituant la majorité d'Harper auraient eut complètement tord. En fait, jusqu'au moment où le jeune homme avait démontré qu'il pouvait presque autant parler qu'elle, la brune en était encore au stade d'envisager un probable rejet après avoir autant parler. Qui aurait crût qu'une personne dans cette école aurait été capable de tenir une véritable conversation avec elle qui, ne l'oublions pas, avaient la fâcheuse manie se finir par parler dans le vide ? Ayant de nouveau soigneusement posé son menton au creux de sa paume blanche, elle poussa un léger soupir en l'écoutant, de ceux qui font comprendre dans les films qu'une fille tombe en pâmoison devant un beau prince charmant. Un instant, le cerveau de la jeune fille partit du côté des réflexions, dont celle où elle se demandait si ses pas l'auraient précipitée vers lui si elle ne l'avait pas connu par son groupe; Oui, non. C'était les deux réponses valables, sur lesquelles elle s'attarda un bref instant avec le regard rêveur : En vérité, venant d'elle, la réponse restait tout à fait logique. Si il était resté seul, c'était évident qu'elle serait venue lui parler, d'autant qu'elle avait la superbe chance de toujours se retrouver sans personne avec qui travailler durant les cours les plus élémentaires.

- En fait, moi, j'aime bien Michael... Tu sais, ce qui est commun pour toi ne l'est pas pour moi : J'ai quand même vécus au Japon jusqu'à pas longtemps. D'ailleurs, Kaede signifie érable !

Sur le coup de l'explication, la jeune fille venait de se redresser légèrement, les yeux brillant à la fois d'amour et de la nostalgie qu'elle éprouvait pour son pays et ses coutumes inconnues ici : Pouvait-elle lui en parler ? Durant une fraction de seconde, cette idée supplanta toutes les autres. Parler de son pays avec la personne qu'elle admirait le plus au monde avec une sincérité presque totale ? Finalement, l'idée s'effaça aussi vite qu'elle était venue.

- J'aimerai être comme un érable... Rester quelque part, dans un endroit que j'aime, et ne pas être déracinée. Mais je radote, on dirait une vieille ! Sinon, ce n'est pas mixte comme prénom, mais je suppose que par ici ce n'est pas si grave : Ce serait choquant dans mon pays, mais les gens sont moins à cheval sur les convenances ici.

Et elle hocha la tête avec un petit air convaincu, son visage reprenant lentement les couleurs de la joie qui l'avait menée à la table de Mike. Après tout, le Japon était connu pour ses coutumes compliquées, voir même incompréhensibles pour les étrangers, qui ne s'y habituait à peine qu'à la suite d'une dizaine d'années. Plus, parfois. Kaede esquissa un sourire, se souvenant de ses propres lacunes lorsqu'elle avait commencé à suivre son père de par le monde; La langue, le fait que beaucoup de choses rituelles pour elle disparaissaient une fois l'Europe franchie, et encore bien plus une fois arrivés en Angleterre. Dire qu'ici personne n'hésitait à s'approcher, à parler, à se toucher même pour se trouver rassuré de découvrir une personne réelle à ses côtés : Au final, c'était un mode de vie qui lui avait d'emblée plu malgré les premières difficultés. A ce moment là, le jeune homme reprit la parole, sortant la petite demoiselle de ses rêveries : Allons, miss Aoki, réveille-toi un peu ! Une fois pensé, une fois fait, et la brune était déjà en train d'esquisser un sourire aux paroles de la star par rapport à sa mère, d'une manière qui laissait entendre qu'elle s'apprêtait même très volontiers à rire face à l'humour qu'elle n'aurait jamais imaginé le voir possédé. Mais voilà qu'elle était coupée par la question en français de ce dernier, chose qui la prit immédiatement de court. La suite en fit de même, d'ailleurs, la faisant sursauter au moment où la voix de Martin résonnait par derrière elle.

- Vous vous moquez du monde, tous les deux ? Vous croyez que je n’entend pas vos petits bavardages insipides, qui de plus, ne sont pas dans ma langue ? Mademoiselle Kaede, vous pouvez dire à votre nouveau camarade ce qui arrive à ceux qui ne respectent pas les règles de Harper ?

Un long frisson remontait l'échine de la jeune fille dont l'esprit était déjà partit à la recherche d'une quelconque excuse : Pile le temps qu'il fallut à son compagnon pour les regarder tour à tour et reposer sa question, cette fois-ci à la prof :

- Madame, tu aimes le cuisine italienne ? *

Oh non, voilà qu'un nouveau sourire venait sournoisement étirer les lèvres de l'eurasienne et qu'elle portait sa main à ces dernières pour retenir un gloussement qui ne fit qu'accentuer le rouge aux joues de la vieille pie. Seigneur, ils étaient foutus. Finis. KO. Out, comme qui dirait pour suivre toutes les formes possibles pour s'exprimer. Et tant qu'à se sentir déjà en cage, la brune enchaina rapidement tout en se retenant sérieusement, mordant sa langue par à coups;

- Ceux qui ne respectent pas le règlement de Harper, érigé par Mr. Abraham, finissent leurs journées en retenue. Ces retenues peuvent varier selon les professeurs les affligeant, mais une retenue normale prend généralement autant de temps que désiré pour appliquer la punition égale à la provocation.

Aie, le regard de la vieille mégère était de plus en plus sévère, laissant perplexe l'innocente Kaede : Voyons, n'avait-elle pas récité au mot près ce qu'il fallait savoir des fautes commises au sein de l'école pensionnat ? Quelques élèves de la classe se permirent encore une fois de rire, s'attirant le regard véritablement orageux de Madame Martin, avant que l'eurasienne ne reprenne la discussion de sa voix douce.

- Toutefois, Madame, je crains que vous n'ayez mal compris le but de nos conversations... En vérité, j'expliquais rapidement à mon camarade le fonctionnement du cours; De plus, il fallait ab-so-lu-ment que je me renseigne sur son niveau de français avant de moi-même oser commencer. *

Si un marteau avait terminé sa course sur la tête du professeur, aucun doute que le résultat aurait été le même que la tirade de la jeune fille : Elle fronçait les sourcils, son regard allant de Michael à Kaede sans arriver à se décider. D'un autre côté, elle savait très bien que la jeune Kaede était régulièrement sujette aux retenues, ce qui n'avait plus vraiment beaucoup de charme pour la vieille femme.

- Je veux vous voir après le cours. Tous les deux. Nous déciderons du travail que vous aurez à effectuer pour le prochain cours en dehors des devoirs que je vous donnerais tout à l'heure. Et je ne veux plus vous entendre !

Un petit sourire félin vint à nouveau marquer une espèce de joie moqueuse le visage enfantin de la jeune fille; Elle pouvait murmurer, elle, contrairement à cette femme qui n'arrivait visiblement pas à s'empêcher de hurler. Une fois l'enseignante repartie un peu plus loin, Kaede se pencha pour poser sa tête sur ses bras croisés, bien décidée à ne pas lâcher l'affaire. Au pire, elle pourrait toujours aider le blond à rattraper son cours puisqu'elle était tellement déterminée à le lui gâcher. Quoique parler était pour elle toujours plus intéressant qu'étudier, notez...

- Alors comme ça tu étais un merdeux ? J'ai du mal à y croire quand même ! Et ça a changé ?

Et elle lui fit un nouveau sourire, du genre de ceux qui mettent au défi de répondre.

Mike écoutait Kaede parler avec la plus grande attention. Vraiment, c’était sympa de discuter avec quelqu’un de son age, en chair et en os, chose qu’il n’avait pas faite depuis trois jours. Dans l’avion, il avait bien voyagé avec un pote, mais bon, il avait le mal de l’air et avait dormi pendant tout le trajet, drogué par des cachets spéciaux auxquels le jeune homme n’entendait rien. Alors il avait fini par jouer aux cartes avec une des deux hôtesses de l’air qu’on avait mis spécialement à sa disposition : sans doute l’un des derniers vestiges de sa vie de star auxquels il aurait droit jusqu’au prochaines vacances…
Il leva une épaule montrant qu’il se moquait de la manière dont elle l’appelait :

_ Ben ça sera Michael pour toi alors… Érable, c’est cool! J’ai déjà été au Japon deux… non, trois fois, c’est un pays super tripant! Mais je crois qu’a cheval sur les convenances ou pas, une fille qui s’appelle Michael dans le coin passera pas inaperçue non plus. En plus, Érable, c’est déjà moins présomptueux que « Qui est comme Dieu », et c‘est beaucoup plus grandiose. Je crois que mes parents ont vu un peu grand avec ce prénom…

Et la prof avait débarqué, avant que Kaede ne puisse répondre.
Ça n’était pas de la provocation, il avait posé cette question à la vieille grincheuse en pensant réellement qu’elle allait succomber à son regard brillant et à son air innocent. Ça marchait toujours à la perfection, avec la nana qu’il avait eu pour précepteur, et qui se laissait entraîner dans des discussions totalement à l’ouest des cours, lesquels duraient deux fois plus longtemps, du coup, pour qu’il rattrape.
Mais Madame Martin et son terrible gilet d’un jaune canari effrayant que personne n’avait l’air de remarquer, (sans doute était-ce une habitude chez elle, de le porter) paraissait à deux doigts de le gifler. Oh, cruelle, la vieille, on faisait pas ça au niveau, c’était contre le code déontologique des profs, n’est-ce pas? Enfin Mike osait l’espérer, subir des châtiments corporels deux fois en moins de deux heures et ce, le premier jour de cours, c’était pas le top pour se faire apprécier des profs. Oublions pas en effet le coup du pichet par le pion. Il avait le droit de faire ça au fait? Il fallait qu’il se renseigne, mais en fait, Michael pratiquait moins bien le net que le portable, et rappelons le que tout moyen de communiquer avec le monde extérieur était limité ici.

D’ailleurs, on se demandait pourquoi la vieille se sentait obligée de les traquer. Elle aurait au moins pu avoir la grandeur d’âme de le laisser respirer pour sa première journée. Ah nan, c’est vrai, on était dans le privé.

Et alors, ce fut le drame : Kaede se mit à réciter le règlement qu’elle connaissait visiblement par cœur, ce qui paraissait particulièrement l’amuser. Mais elle n’était pas la seule, dans leur dos, des ricanements se faisaient déjà entendre, et Mike, lui-même s’était mis à contempler de nouveau son crayon, pour empêcher le fou rire de venir le cueillir. Sympa, ces teintes de oranges mêlées de violet…
Elle poursuivait, en français cette fois, lequel était irréprochable et auquel Michael ne comprenait que des bribes. En fait, il n’avait compris que deux mots : absolument et français… Bon, de toutes manières, il n’était pas sûr que connaître le reste l’avancerait à grand-chose, tout ce qu’il attendait, c’était que le couperet de la guillotine vienne l’achever au plus vite.

Mais rien d’autre ne vint qu’un rendez-vous à la fin de l’heure… Voyons, une promesse de punition à la première heure de sa première journée de cours, voilà qui était plutôt bien joué…
Il offrit à la prof son plus beau sourire alors que cette dernière s’éloignait, et songeait qu’ils feraient mieux de se mettre à travailler sérieusement, lorsque Kaede reprit la parole, ce qui fit rigoler notre petit chanteur :


_Elle a même pas répondu à ma question, quelle impolitesse!… Toi non plus d’ailleurs!

Un sourire était toujours accroché à ses lèvres, décidemment il n’était pas dur de l’apprivoiser.

_Je sais pas si ça a changé, tu me diras ce que t’en penses… En tous cas, à l’époque, j’arrêtais pas de lui tourner au tour, et je lui faisait les pires embrouilles : c’était mon prof de chant. De toute, c’est pas marrant, le pauvre a dit que j’arriverais jamais à rien et il s’est tiré.

Il attrape son bouquin d’anglais -finalement-, et le parcours.

_J’aime beaucoup Paris. C’est une endroit intéressante… Vous aimez beaucoup Paris, c’est un endroit intéressante…*
Au fait, tu parles vachement bien français! Ça sors d’où, t’as vécu là bas ou t’es genre un génie des langues?

A quand remontait la dernière fois que Kaede avait put parler avec quelqu'un sans se faire interrompre et sans recevoir de regards assassins plein d'impatience ? Les lèvres entrouvertes, la jeune fille écoutait parler son vis-à-vis sans même en sembler lassée, tout simplement fascinée par sa présence même. Et au passage, à force de réflexion, la dernière fois qu'une chose pareille s'était déroulée remontait à facilement une dizaine d'années, au bas mot. C'était presque une bonne raison pour Kaede de se taire en laissant le jeune homme parler, ne désirant que lui répondre sans en faire trop - Même si son caractère reviendrait sans doute au galop, idole où pas. Puis une soudaine pensée se mit à germer dans la petite tête ronde de la demoiselle, lui laissant à peine le temps d'écarquiller ses grands yeux de biche avant de se rendre compte clairement de ce qu'elle-même pensait; Si il était assis dans cette classe précisément, c'est qu'il avait son âge, non ? Un petit rire tenta un bref instant de dépasser la barrière érigée par ses lèvres tandis qu'elle l'imaginait entré spécialement pour lui faire la causette, à elle. Evidement qu'il avait son âge; Elle parlait avec quelqu'un de son âge. Tout juste électrifiée par cette constatation sur le tard, Kaede reprit joyeusement la conversation.

- Oh, tu voulais une réponse ? Alors ça donnerait quelque chose comme; J'aime la cuisine Italienne, jouant sur mes papilles d'une agréable saveur d'épices oubliées. *

Et la jeune fille se laissa aller à un petit rire qui attira, de ce fait, un nouveau regard glacial de Madame Martin sur leur table. Empirer les choses vous dites ? En fait, c'était totalement dans les cordes de la petite brunette malgré le don qu'elle avait de calmer la prof avec de jolis mots dans sa langue natale; Après tout, elle n'avait encore jamais réussi à éviter une colle, même avec Madame Martin. Quoique cette dernière était autrement plus sadique, favorisant généralement l'écriture d'un texte de plusieurs phrases, en français de surcroit. Au moins avait-elle trouver quelque chose qui embêtait réellement ses élèves. La seconde suivante à cette brève idée, le visage de la petite eurasienne s'était à moitié décomposé, laissant entrer une ombre encore plus sombre dans ses yeux, leur faisant perdre toute trace de pétillement;

- Je suis née en France, dans la capitale, en fait... Mais mon père m'a ramenée au Japon et je n'ai pu apprendre que par moi-même lorsque j'étais laissée à la maison; C'est pas comme si j'étais vraiment douée tu sais ! C'est juste une histoire de volonté. Mais passons !

L'instant de nostalgie était terminé; La jeune fille souriait à nouveau, démontrant une fois de plus que sa joie pouvait absolument tout surmonter, penchant la tête de côté pour poser sa joue contre la fraicheur du tissu de sa manche. Dans un sens, elle aurait voulu pleurer, mais à quoi bon verser des larmes ? Pas une seule n'était née dans son regard lorsqu'elle avait apprit, très jeune, que sa mère n'avait pas voulu d'elle; Pas une seule n'avait glissé sur sa joue lorsqu'elle avait supporté le traitement de choc de son père. Aujourd'hui ne serait pas le premier jour à la voir se laisser aller au profit d'émotions qui ne pouvaient que gêner les gens l'entourant. C'est donc pour cette raison que sa voix légère s'éleva à nouveau dans un murmure discret, de son babillage habituel et incessant :

- C'est un endroit intéressant ! Fais attention à ta prononciation ! *

La jeune fille adressa un petit sourire amusé à son compagnon avant de lancer un regard du côté de la prof; Cette dernière venait tout juste de faire disparaître un sourire édenté de son visage blafard rehaussé par la couleur horrible de son gilet habituel. Et bien ! Au moins était-elle à présent contente, cela faisant peut-être moins de risques à se faire avoir tout en continuant à parler pour s'occuper. Quand bien même faisait-elle rater le cours à Mike qu'elle pouvait facilement l'aider à le rattraper, non ?

- Au passage, ton professeur de chant doit vraiment regretter ses paroles aujourd'hui; A moins qu'il soit en train de déplorer quelques erreurs dans tes chansons ? Je me demande bien comment quelqu'un peut réagir après ça, tiens... Même si, à mon avis, il doit bien enrager. Il a de la chance de ne pas avoir encore été assaillit par les journalistes pour parler de toi ! Tu imagine ? En gros titre : « Mr. Inconnu déclare que Michael Hareton ne sait pas chanter ».

La jeune fille lui lança un regard en coin avant d'esquisser un nouveau sourire d'excuse;

- En fait, on a déjà pas mal écrit sur toi et ton groupe... Dis, ça ne te dérange pas tout ce que la presse peut écrire ?

Michael pouffa : il n’avait rien compris. On ne pouvait décidemment pas dire que la vie de star développait dans tous les cas la culture générale. Du moins, si en toutes ces années il avait appris à jouer de plusieurs instruments, et à perfectionner sa signature, il n’en avait pas pour autant foncièrement augmenté sa culture générale. Après tout, quand il allait dans les pays non anglophones, il avait toujours à sa disposition des interprètes, et, lorsqu’il était sur scène, si il prenait la peine d’apprendre deux ou trois petits mots pour saluer le public, ça n’était pas pour autant qu’il en devenait bilingue, même si par la suite, en faisant la tournée des bars, il apprenait du coup beaucoup plus de nouveaux mots qui étaient loin d’être ceux capables de convenir à un prof.
Mais quelques secondes plus tard, il songea qu’il avait peut-être fait une gaffe, lorsqu’il vit que le visage de la jeune femme s’était assombrit. Elle qui, depuis le début de leur conversation, n’avait pas quitté son petit sourire amusé, paraissait soudain déprimée, comme si il avait ravivé en elle des souvenirs pas très agréables chez elle. Et merde, il fallait toujours qu’il fasse des gaffes de ce genre, c’était pas très cool pour les autres.

_Ouais t’as appris toute seule, donc t’es un génie. Moi j’ai jamais été capable d’apprendre quoi que ce soit tout seul, j’ai fait le tour du monde, et je ne comprend que l’anglais, et encore!

Il tourna a nouveau les pages du livres, et sourit en entendant la jeune femme le corriger, répondant avec une lueur amusée dans le regard.

_Oh, vous aussi trouve Paris intéressante? *

Il songea que le cours aurait été mortellement soporifique si il n’était pas tombé sur un travail de groupe. Les profs étaient vraiment stupides de penser que les élèves allaient vraiment travailler, alors qu’on leur donnait l’occasion inespérée de pouvoir faire autre chose! Toujours était-il que si il était aussi dissipé que ça dans toutes les matières, il ne risquait pas d’augmenter son niveau. Son seul domaine de prédilection était la littérature, il lisait beaucoup quand il n’avait rien à faire, et écrivait aussi pas mal. Mais même là, il songeait que les profs rabat-joie de ce bahut trouveraient à redire et il finirait rapidement par être le pire cancre que Harper ait jamais connu. Heureusement qu’il se fichait totalement toutes ces conneries administratives.
Il repoussa ses cheveux en arrière.

_ Je pense pas qu’il regrette, il s’en fichait de la célébrité et de tous ces trucs, je suis sur que si il lui arrive de tomber quelque chose me concernant, il prier pour plus jamais recroiser mon chemin, même si je lui envoie genre des cartes de partout parce qu’il en est dingue.

Il rigole à nouveau et demande d’un air taquin :

_Tu trouves que je sais pas chanter?

Puis hausse les épaules :

_ Ça fait partie du job, c’est comme disait Wilde, ‘S’il est au monde quelque chose de plus fâcheux que d’être quelqu’un dont on parle, c’est assurément d’être quelqu’un dont on ne parle pas’. Leur job c’est de dire du mal de moi et le mien c’est de faire en sorte à ce que ça soit pas toujours vrai…
Dis, l’heure va bientôt être terminée, tu crois qu’on peut se tirer comme ça, ou elle va vraiment se souvenir qu’elle doit nous punir?

Et elle souriait, souriait, souriait encore jusqu'aux oreilles. Non ! Plutôt jusqu'au ciel si vous voulez vraiment mon avis. Si quelqu'un avait été au courant plus tôt qu'il pouvait se débarasser d'elle simplement en la mettant en la présence d'une rock star, nul doute qu'il aurait foncé pour ramener le blond plus tôt dans le pensionnat perdu. D'ailleurs, avait-elle eut réponse au pourquoi de sa présence ici ? Non, mais ce n'était encore une fois qu'un détail. Comprenez que dans une conversation avec Kaede, beaucoup de détails passaient ses filets tant elle était incapable de se retenir de passer d'un sujet à l'autre, ou à sauter du coq à l'âne comme on ne dit si bien dans la langue de Molière. En parlant de cette dernière, la jeune fille fut visiblement incapable de ne pas réagir aux paroles de Mike, gardant malgré elle un petit côté surexcité se révélant dans un sens adorable;

- Si tu veux, je peux toujours essayer de t'aider en Français ! Je n'ai pas vraiment des compétences de professeur, mais je peux toujours faire des efforts pour ça !

Oups. Le rouge montait d'une manière très peu discrète aux joues de la jeune fille alors qu'une de ses mains se repliait pour s'arrêter devant sa bouche ouverte par la surprise; Huhu, venait-elle réellement de lui proposer de se revoir ? Quoique foncièrement, ils seraient tout de même obligés de ne serais-ce que ce croiser puisqu'ils se trouvaient dans la même classe et donc avec les mêmes cours - Mais tout de même, n'était-elle pas un peu trop présomptueuse sur ce coup précis ? Une petite mimique précéda alors une idée naissante : En plus de ça, il était clair qu'il serait bientôt débordé en se rendant compte que les élèves de Harper n'étaient pas si ignorants que ceux de cette classe-ci. Dans peu de temps, tout le monde - Et surtout les filles, voyons - lui aurait sauté dessus, et avec les honneurs encore, ce qui ne lui laisserait absolument pas le temps de souffler... Et encore moins de fréquenter une petite eurasienne complètement impossible à contrôler. Zap. Sans pour autant perdre la joyeuse pigmentation actuelle de ses joues, la jeune fille venait de repartir innocemment ou presque sur la suite de la discussion.

- Hey, au fait, je n'ai jamais dis que tu ne savais pas chanter moi; N'utilise pas mes paroles contre moi, ça, c'est mon rôle. A moins que... Tu veuille te l'entendre dire ?

Un sourire mutin suivit la question de la jeune fille tandis qu'elle fermait les yeux, déjà fatiguée de l'idée de devoir continuer à parler français. Non, cette conversation était quand même plus intéressante que tout ce qu'elle pouvait apprendre en cours de langue, vous ne trouvez pas ? Bien sûr, je vois d'ici les gens se bouchant résolument les oreilles. Ce n'est qu'une question de point de vue basé sur des idées que Kaede avait très ouvertes. Au moins ne pouvait-on pas reprocher à la jeune fille d'être du genre à rejeter les gens, les discussions où quoique ce soit se reliant de près ou de loin à l'être humain et à ses convictions. En parlant d'être, même si la brune n'était pas encore totalement convaincue que ce dernier était humain...

- Martin ? Mhh... C'est dur de lui faire oublier quelque chose, mais c'est faisable avec les bons arguments.

Les paupières toujours baissées, les lèvres entrouvertes sur un petit air rêveur, Kaede imaginait sans problème cette vieille pie et sa tenue criarde. Au passage, pourquoi les professeurs n'avaient-ils pas d'uniforme eux aussi ? Un rire s'échappa discrètement des lèvres de la petite demoiselle alors que cette image affreuse passait dans son esprit, obligeant Madame Martin à se promener avec une mini-jupe plissée et coiffée d'une queue de cheval. Tout simplement horrible !

- J'ai toujours un texte français à lui montrer pour qu'elle m'en traduise quelques passages; J'ai toujours ça en réserve avec elle parce que, tu vois, malgré son air grincheux elle devient littéralement dingue et passionnée dès qu'un élève se rajoute de lui-même quelque chose concernant sa langue natale.

Et enfin la nuit profonde du regard de Kaede s'imposa de nouveau à la vue du blond alors qu'elle plantait ses yeux dans les siens avec un air malicieusement enfantin : Décidément, il ne se passait pas que des choses innocentes dans l'esprit de la jeune fille, n'est-ce pas ? Mais après tout, ce n'était pas comme si elle avait proclamé d'elle-même qu'elle était stupide; Ce n'était que l'idée des Autres, de ceux qui regardent et jugent toujours sans chercher plus loin.

- Dans un langage moins codé, ça veut dire que tu auras le temps de t'éclipser rapidement et moi de te suivre après. Presque un lavage de cerveau en fait.

Puis elle enchaina, pour la forme et surtout pour ne pas empirer les soupçons déjà largement présents dans le regard animal de Martin;

- Oui, la ville lumière semble si belle : Un jour enfin j'y retournerai, suivant le chemin de mon cœur, pour sentir enfin la Seine couler dans mes veines. *

Un nouvel instant, la mélancolie accrocha les mystères provoqués par les longs cils sombres de la jeune fille, sensation terrible de tristesse qui s'effaça aussi vite qu'elle était venue. Après tout, Kaede était-elle du genre à se laisser abattre ?

Elle pouvait l’aider? Ah ben oui puisqu’elle était française. Enfin, qu’elle avait appris à parler français et qu’elle était née à Paris, donc on pouvait la considérer comme une française. Genre un érable français, si il y avait des érables en France, chose que Mike ignorait complètement, parce qu’il n’avait pas atteint ce stade ou on se posait des questions du genre « y a-t-il des érables en France? », même quand on y était. Après tout, le matin quand il prenait du sirop d’érable avec ses pancakes il ne se demandait pas si c’était du sirop d’érable local ou si il était exporté, d’autant plus que, généralement, le sirop d’érable venait du pays des érables qui était… Le canada , si sa mémoire était bonne.

Et voilà que son esprit se mettait à divaguer… oui, ça lui arrivait parfois, de penser à des choses complètement farfelues. Étrangement, ça ne lui avait pas prit plus tôt dans la conversation, habituellement, il ne pouvait se passer une minute sans que ses pensées divaguent vers des sujets complètements débiles. Et surtout à coté de la plaque. Enfin bref, c’était cool qu’elle propose de l’aider en français et Michael le lui fit savoir avec un sourire de plus. Pas compliqué, le garçon, il ne lui venait même pas à l’esprit qu’elle pouvait faire ça sous prétexte qu’il était une célébrité ou un truc du genre. On aurait dit qu’il était complètement à coté de la plaque en ce qui concernait le genre de trucs qu’on pouvait qualifier « d’intéressé », chose que sa chère mère n’appréciait pas dans son caractère, et qui lui avait d’ailleurs porté préjudice deux ou trois fois dans sa carrière -ce qui ne lui avait en aucun cas servi de leçon.
De toutes manières, en quoi Kaede pouvait être un danger pour sa personne? Impossible, hein, c’était une fille cool comme tout avec laquelle il avait plaisir à discuter, et qui avait embelli sa matinée de petit nouveau à des kilomètres de tous ses points de repères habituels. Il répondit donc en s’exclamant d’une manière qui lui était coutumière -encore fallait-il le connaître depuis un moment.

_Oh tu ferais ça? Énorme!

Il envisagea alors d’appeler un de ses proches pour le lui raconter, avant de se souvenir que, petit 1, il n’avait plus de téléphone portable (merci Harper), et petit 2, le décalage horaire et quelques petites choses voulaient qu’il ne voyait pas vraiment à qui raconter une matinée aussi anodine. Sa mère était intéressée par des choses autrement plus importante qu’une vulgaire journée scolaire, ses potes et les membres de son groupe avaient tous un age et une mentalité qui les plaçaient à mille lieues du délire scolaire et… a son grand dam, il n’était pas assez proche avec son père et son petit frère bien aimé pour qu’il se permette de les déranger.
Hop, à nouveau plongé dans la contemplation de son cher crayon à papier, alors que son visage était traversé par une ombre qui disparu aussitôt le changement de sujet opéré. Il cacha sa bouche souriante de la main, alors que son regard croisait celui de la prof qui deviendrait sans doute son ennemie jurée d’ici à la fin de l’année, et poursuivit :

_Peut-être… Michael Hareton chante mal… Michael Hareton ne sait pas chanter…
Michael Hareton chanter mauvais *

C’était vrai qu’à défaut de dire qu’il chantait mal, il avait entendu dire qu’il ne chantait pas du tout, et que tout était en play-back ce qui était assez vexant lorsqu’on comptait le nombre de pots de miels qu’il devait se coltiner lorsqu’il tombait malade (alors qu‘il détestait ça)-parce qu’il était hors de question qu’il annule un seul concert.

_Tu te jetterais sous les griffes du dragon pour moi? C'est royal!

A nouveau, sans doute victime elle aussi de Mrs Martin dont le regard était visiblement partout, la jeune femme se mit à parler, et comme il en prenait désormais l’habitude, il n’en compris que quelque mots. A nouveau, il put voir le visage s’assombrir et le regard se baisser, ce qui le rendit assez penaud parce qu’il n’aimait pas voir les gens tristes.

_ Arrêtez nous de parler de Paris!*

Au moment ou la sonnerie un peu agressive, soit dit en passant, résonna dans le bahut, il glissa en fermant son livre :

_J’ai un paquet de cartes postales et de vieilles photos qui datent de mes concerts là-bas. Ya plein de lieux touristiques et tout, je te les apporterais un de ces quatre, si ça te dis

Alors que les deux jeunes gens ne semblaient visiblement pas décidés à interrompre leurs babillages, pour le plus grand malheur de la vieille Martin, Kaede en était presque arrivée à oublier complètement que son compagnon était une star mondiale : Parler cours de Français avec quelqu'un de célèbre ? Ce n'était pas vraiment courant, même si dans un sens il était quand même difficile d'oublier un détail pareil. Mais au final... Non, la jeune brune n'aurait jamais pensé que ce dernier serait aussi sympathique, surtout qu'elle n'avait pas précisément caché que son premier pas vers lui avait été causé par sa fan-attitude. D'un autre côté, la jeune fille n'aimait pas précisément mentir, même si comme toutes les personnes de sexe féminin elle avait tendance à ne se montrer gentille et presque parfaite que quand ça l'arrangeait. Gentille, je vous l'ai dis, mais la gentillesse avait elle-même ses limites et n'apprenaient pas à proprement parler à devenir un Ange. Oh, un Ange passe... Les joues de l'eurasienne avaient brièvement prit une teinte rosée. Continuer à le voir ! Continuer à le voir ? Non non, la demoiselle n'était en rien hystérique intérieurement, mais...

- Ah ! Franchement, tu as tellement besoin d'aide dans cette langue que ça pourrait être désespérant pour quelqu'un d'autre que moi; évidemment que je le ferais ! Un petit effort, quelques cours avec le super coach version érable et je t'assure que tu seras devenu un Dieu de la France.

Et à nouveau un petit rire cristallin et léger s'échappa d'entre les lèvres à la pulpe claire de la jeune fille au regard mutin; A cet instant précis, elle pouvait aisément du fait qu'elle s'était plus amusée dans un cours de Madame Martin aujourd'hui que n'importe quel autre jour. Et pourtant, on ne pouvait pas vraiment dire qu'elle avait des problèmes avec cette dernière. Cherchez donc à comprendre le cœur compliqué des femmes ! Quoique la petite Kaede n'avait pas grand chose de cette race, s'apparentant encore largement à un état enfantin qu'elle se bornait à garder... Exprès ou non ? Telle n'était pas la question tandis que la jeune fille feuilletait distraitement les pages de son manuel pour cacher le fait qu'elle rougissait de plus en plus, réaction qu'elle avait automatiquement lorsqu'elle réussissait quelque chose qui lui faisait extrêmement plaisir. A moins que la raison fut plus simple à concevoir d'un esprit humain et surtout d'une jeune personne en pleine adolescence ? Quoiqu'il en soit, au moins ne perdait-elle pas le charmant petit sourire qui l'avait accompagnée durant toute la durée de l'heure, si ce n'était les deux moments de profonde nostalgie qui n'avaient put s'empêcher de la frôler au passage.

Ainsi le laissa-t-elle terminer ses phrases avec un calme qui ne lui était pas exactement propre... Jusqu'à sursauter d'un coup en entendant la sonnerie de la fin du cours : Déjà ?! La brune releva les yeux, adoptant un petit air paniqué d'animal traqué, braquant son regard profond dans celui beaucoup plus clair de son vis-à-vis. Et un soupir de soulagement lui échappa presque dans la seconde alors qu'elle souriait à nouveau en ne le voyant pas partir au pas de course pour lui échapper. Certains, au sein de Harper, l'avaient déjà fait... Après tout, il fallait être soit vraiment sociable et patient soit vraiment tordu pour supporter les longs monologues habituels de la jeune fille bien qu'elle ne fut pas méchante. En tout cas, c'était une chose qui lui avait causé beaucoup de problème au début de l'année, ce qui avait d'ailleurs légèrement évolué selon les dernières nouvelles. Ma foi, Kaede n'envoyait plus de mail à tout le monde sans raison, ce qui expliquait beaucoup le calme plat qui l'entourait actuellement.

- Le dragon ? Oh ! J'aime bien l'idée; Et pour échanger les rôles, tu serais le Prince en détresse ? Hum... Si tu me donne une récompense comme il se doit après mon combat, je pense que ça peut m'aller. Si tu n'as pas peur, évidemment !

A nouveau, la jeune fille esquissa un petit sourire félin et malicieux, le regard pétillant; C'était dur d'imaginer qu'elle oublie une pareille idée, sachant son amour des défis et de tout ce qui représentait un quelconque amusement. Encore fallait-il pour ça que le beau blond soit apte à jouer avec elle et surtout que la récompense soit à la hauteur du combat. La jeune fille jeta un coup d'œil derrière elle, fit glisser les pages de son cahier à la première et piqua le crayon avec lequel le jeune homme n'arrêtait pas de jouer depuis le début du cours; Dans la seconde suivante, Mike avait récupéré le crayon et le coin de la page sur laquelle était rapidement griffonnée l'adresse mail de la jeune fille au sein de l'établissement, soit Etsuki@Harper.org. La petite demoiselle, visiblement peu gênée toujours, se releva alors en refermant son manuel avant de faire le tour de la table et de poser ses lèvres douces sur la joue du jeune homme, chuchotant à la suite avec un air amusé;

- Et j'accepte pour les cartes, même si je te préviens qu'elles n'ont pas le droit de faire partie de la récompense : Bonne recherche !

Pouf : Comme un souffle de vent particulièrement sautillant, l'eurasienne s'approchait de nouveau de sa place habituelle, se pencha pour récupérer rapidement sa feuille de français et s'approcha de la vieille pie la regardant d'un air à la fois las et rébarbatif. Sûrement avait-elle laissé tombé depuis un moment l'idée d'avoir les deux élèves, voir même un seul.

Bon, c’était vrai qu’il était un cas désespéré en Français. Il avait genre fait la tournée du « pays de la baguette à béret », s’arrêtant dans toutes les grandes villes ou à chaque fois il avait eu droit à un accueil royal, et, malgré ça, il était magnifiquement arrivé à obtenir la grammaire la plus colorée qui soit, ce qui amusait bien entendu les autochtones, mais qui désespérait magnifiquement sa mère qui n’arrivait pas à croire qu’un humain était capable de si peu de mémoire. D’autant plus qu’un duo avec un célèbre groupe français était prévu d’ici à l’automne prochain (ou il serait théoriquement diplômé d’Harper… théoriquement, on a dit), et qu’il aurait sans doute pas mal de mal à communiquer si il ne captait pas le quart de ce qui se disait dans une conversation. Heureusement qu’il n’était pas parano.
Il était content donc que Kaede lui propose de lui donner des cours en Français, même si, lorsqu’on évaluait le résultat de leur première discussion, il était assez hard d’imaginer qu’ils parviennent à réellement se concentrer sur un truc intello pendant au moins dix minutes.

_Ouais, le prince en détresse, j’imagine la scène.

Kaede en bas d’une tour avec un costume de chevalier et une lourde épée à la main, et lui, vêtu d’un collant rouge et d’une espèce de short bouffant à la plus haute fenêtre de l’édifice, alors que Martin à lunettes et corps de lézard serait derrière lui en train de le terroriser. Huhuhuh.

_Flippant

Il réprima un frisson, l’image même d’une prof dix fois plus grande était intolérable à son petit esprit fragile, genre, d’autant plus si le monstre était formaté pour s’exprimer qu’en français, et que Michael ne pourrait même pas comprendre les plans diaboliques qu’il aurait projeté (parce que vous avez remarqué que les méchants disaient toujours leur plan diaboliques à leur victimes quelque seconde après que ces dernières soient sauvées?)
Lorsqu’il comprit qu’elle ne plaisantait pas, pour la récompense, il esquissa une grimace. Qu’Est-ce qu’il pourrait bien trouver comme compensation à un cours de français? Alors que la petite asiatique griffonnait son adresse mail sur son cahier -visiblement le seul moyen de communication qu’avaient les élèves dans ce bahut-, il réfléchissait à un truc qui pourrait mériter des heures de français. Euh?
Un sourire naquit sur ses lèvres lorsque celles de la jeune femme vinrent se poser sur sa joue, et il la regarda s’éloigner vers la prof, en se félicitant de ne pas avoir à se retrouver en colle dès la première heure… Après avoir ramassé ses bouquins, il quitta la salle, non sans avoir fait un dernier geste de la main à la jeune femme : et c’était partit pour deux heures de maths. Sans doute allait-il les passer à chercher la récompense idéale?